livre bemidbar

paracha: houkat

RÉSUMÉ. — «Parle aux enfants d’Israèl, et qu’ils l’amènent une vache rousse, sans tache, sans défaut corporel et qui n’ait point porté le joug ». C’est par celte loi fameuse instituée dans l’ensemble des prescriptions réglant le traitement des impuretés que débute notre Sidra. Les cendres de la vache mélangées à de l’eau vive serviront à purifier tout homme qui aura été en contact avec un mort, et qui
aura observé les sept jours d’impureté ordonnés par la Loi.
C’est à Kadès, dans le désert, que meurt Myriam et qu’elle est enterrée. L’eau manque. Moïse devra il parler au rocher pour que la source jaillisse, mais Moïse lève la main et frappe le roc à deux reprises. L’eau coule en abondance, mais Moïse sera durement puni de son inattention, il ne verra point le pays tant désiré. Isra3l envoie des messagers à Edom pour lui demander le passage à travers son territoire. Mais Edom refuse, et le peuple fait un détour pour arriver devant la montagne de Hor. Là, Aaron meurt et Eléazar, son fils, revêtu des vêtements sacerdotaux, aura dorénavant à remplir sa fonction.
Une fois de plus le mécontentement gronde parmi le peuple, car la route est longue et le pays lointain. Des serpents viennent rappeler au peuple qu’il est lui-même en faute et que sa propre indiscipline lui a valu une prolongation de son voyage. Les serpents font mourir les principaux meneurs. Le serpent d’airain, façonné par les mains de Moïse,sauvera la vie à tous ceux qui le regarderont.
 
 

COMMENTAIRE

 

LA VACHE ROUSSE. Nous sommes certainement en présence d’une ordonnance fondamentale par la place qu’elle a occupée dans le cérémonial religieux à l’époque du Temple, mais ses raisons originelles nous échappent. Cela n’a d’ailleurs rien d’extraordinaire du fait que la conception juive de la pureté et de l’impureté relève intégralement d’un domaine spirituel limitrophe au métaphysique, donc si difficilement accessible au raisonnement humain. La révé­lation n’a pu donner aux hommes que la partie réalisable de la Loi, dont les racines plongent dans une conception de la nature de l’univers et de l’homme qui restera. de par son caractère divin, en dehors de l’emprise de nos capacités d’investigation. Cependant certains aspects de cette Loi nous permettent d’avoir quelque notion des idées qui ont pu déterminer son élaboration. Essayons donc d’en résumer quelques-uns.

 

LA COULEUR. Rouge et blanc, voilà les deux couleurs extrêmes de la capacité humaine: rouge le physique, l’animal, tout au service de sa vitalité, d’une force débordante, d’un élan pleinement consacré à la volonté de vivre. Mais cette volonté de vivre n’est encore imprégnée d’aucun effort spirituel, elle est toute nature et en conséquence périssable. Blanc, image de la pureté et du Divin qui réunit toutes les nuances, toutes les couleurs dans une harmonie parfaite. L’homme en face de la mort est en danger moral. Car le physique semble tout puissant, inexorable, il con­damne toute action spirituelle à l’inassouvissement, car la vie a un terme. La mort met donc l’homme devant le problème de sa nature relative, de ses forces limitées, de sa faiblesse. C’est en face

de la mort, en face donc de la force de la nature, représentées par la bête de couleur rouge, que se tient le prêtre, tout de blanc vêtu, pour l’immoler, pour manifester ainsi que l’idée saura tou­jours vaincre le physique, et qu’il n’y a pas, et en aucune circons­tance, abdication devant la mort.

 

 

LES CENDRES. C’est la seule fois que les cendres de l’animal brûlé servent à l’aspersion, car partout ailleurs c’est le sang de la bête qui est employé à cet effet. La raison semble être de démontrer précisément la fin misérable de cet êLre resplendissant de vigueur et de santé. Le symbole accentue le côté matériel du sacrifice, pour faire ressortir avec plus de netteté le côté spirituel éternel et triomphant.

 

 

LES CENDRES RENDENT IMPUR LE PUR, MAIS PUR L’IMPUR. Curieux détail que cette qualité des cendres dont le contact transforme l’impur en être pur, mais le même prêtre qui a aspergé en état de pureté est ensuite tenu d’observer une période d’impureté. Et pourtant, c’est là précisément que se retrouve le dualisme des contrastes dans l’homme ; ce qui restera éternellement vivant, en face de ce qui inévitablement disparaîtra. C’est l’idée qui donnera durée à l’homme physique mais c’est aussi le contact de cette idée avec le physique qui la diminue souvent, qui lui enlève de son intégrité, de sa limpidité. L’homme prostré devant le destin de sa chair reprend courage par la lumière de l’idée (l’impur devient pur). Mais l’idée mise en présence de l’homme, subit sa déformation, son influence néfaste, mais elle va s’en dégager pour reprendre sa forme initiale (le pur devient impur mais redevient pur après un certain temps).

LA MORT DE MYRIAM ET D’AARON. Ce n’est pas pour rien que la grande leçon de la victoire sur la mort, la leçon de la vache rousse précède le récit tout simple de la mort du frère et de la soeur. Cela nous montre que ce qui était leur véritable person­nalité n’est pas mort et que, suivant la parole de nos Sages, la mort des justes a un pouvoir expiatoire analogue à celui des cendres de la vache rousse, car l’un et l’autre proclament le pouvoir immense de l’action spirituelle de l’homme, sa pérennité, sa victoire.

 

LA FAUTE DE MOISE. Ce passage présente une difficulté par la disproportion, qui semble évidente, entre la faute de Moïse d’avoir frappé le rocher au lieu de lui parler) et la sanction très grave que D. prend contre lui. Il est pourtant possible de saisir le fond du problème lorsque l’on songe au rôle que le miracle a joué durant l’histoire d’Israél dans le désert. Le miracle du désert a été en quelque sorte un apprentissage que D. a imposé au peuple

pour le mettre bien en présence du fait de D. Mais cette période d’existence miraculeuse dans le désert, pour être importante, indis­pensable même, implique cependant un danger de ne pas éveiller toute la responsabilité consciente par laquelle le peuple devra forger fui-même son destin. Israèl ne devra pas s’installer dans ce régime de facilité. Il devra savoir, qu’une fois conscient de la protection de D., il aura à prendre toute sa part dans l’édification de son avenir, dirigée uniquement par l’idée que la parole divine lui a communiquée. En d’autres termes, le bâton, symbole du miracle, doit maintenant faire place à la parole. Et c’est cela que Moïse n’a saisi qu’insuffisamment. Moïse était par trop accoutumé à s’appuyer sur les interventions directes de D. pour pouvoir être le chef du peuple à partir du moment où ces interventions devien­nent extrêmement rares et où l’esprit de décision du peuple et la connaissance de la volonté de D. révélée auront à donner leur mesure entière. Il est donc beaucoup moins question d’une punition, que d’une relève à laquelle Moïse doit consentir. Moïse aura été l’homme de l’Egypte, de la Mer Rouge, du Sinaï, du désert. Josué sera l’homme de la conquête, l’homme politique. Et c’est exactement ainsi qu’ilf aut entendre le verset 12 du chapitre XX dans lequel D. reproche à Moïse de ne pas avoir su le sanctifier à l’occasion de l’incident de l’eau. Car la vraie sanctification de D. par l’homme, ne se fait pas par l’obéissance en présence du miracle (acte de valeur morale insignifiante) mais par le libre consentement, en l’absence de toute intervention miraculeuse, à la parole divine. C’est là que se place ce que le Judaïsme appelle Emouna, confiance, acte de foi, c’est là que le peuple passe de la phase de l’enfance àcelle de la maturité.

 

LES TROIS CHEFS. Un Midrach nous raconte que les trois bienfaits que D. a accordés au peuple dans le désert, la manne, le puits d’eau et le nuage protecteur, ont été suscités par le mérite respectif des trois chefs, Moïse, Aaron et Myriam. Nous croyons qu’il y a là une relation très profonde qui caractérise l’oeuvre de chacun et son effet sur l’existence du peuple. Moïse, le chef intran­sigeant, sans compromis et sans faille, représentant de la justice divine a obtenu, par son mérite, le don de la manne. Car c’est cette manne qui était la force et la moelle, l’existence et la durée, la condition essentielle de toute notre vie. C’est par la manne que nous vivons physiquement, c’est par la justice de D. présentée’ par Moïse que nous pouvons vivre moralement. Aaron, homme de

la paix, de la charité, de la douceur, celui qui atténue la rigueur de la justice, pour que son poids ne nous écrase point. L’amour se marie à la justice, représenté par le nuage qui adoucit la clarté aveuglante du rayon solaire et qui jette son ombre, douce et fraîche, sur les hommes. Myriam, gardienne de la source inépuisable de toute beauté humaine ; de la conduite décente et devant D., source d’eau vive, mais source cachée. Ainsi, ces trois chefs ont pu laisser à leur peuple l’image d’un effort inlassable pour déployer

toute leur personnalité dans la direction qui leur était propre, par leur nature et donner le ((maximum)) dans la voie que les forces de leur être et de leur vouloir leur avaient tracée.

 

 

LES SERPENTS. Cet incident est interprété par la tradition comme la démonstration faite au peuple d’un danger qui était permanent mais dont, par suite de la protection divine, il avait perdu conscience. C’est lorsque le peuple s’impatiente et montre des signes de rébellion, que D., relâchant pour un instant sa main protectrice, le met devant la menace de la nature hostile, conjurée jusqu’à présent. Le serpent d’airain, érigé sur un socle, devra ramener les yeux du peuple vers D. ((Ceux qui auront regardé le serpent, vivront ~. C’est-à-dire ceux qui se sont rendus compte qu’aussitôt révoltés contre D. les forces de la nature se déchaî­nent contre nous, auront ainsi à coeur d’éviter des égarements funestes. Celui qui aura vu le serpent, ne l’oubliera pas. Et c’est là justement le grand appel que D. nous adresse ne pas oublier.

 

 

 

HAFTARA ‘HOUKAT

 

 

Juges XI,t-33

 

 

Le chapitre précédent nous fournissait la nomenclature de toutes les divinités auxquelles Israel rendait alors hommage, celles grâce àqui il pensait salis faire ses aspirations religieuses, la Loi de D... lui paraissant trop fastidieuse. Remarquons que c’était déjà le phéno­mène de l’assimilation qui se manifestait. En s’adonnant à l’idolâtrie, Israèl voulait ressembler aux peuples qui l’environnaient. Mais ces peuples rejettent Israèl, et le persécutent. Dans le malheur, il se retourne vers D..., cherchant le salut, qu’il ne trouvera qu’après un repentir sincère. C’est alors qu’intervient Jephté, choisi pour défendre les siens.

Ce phénomène d’assimilation ne s’est pourtant jamais effacé, puisqu’en tous temps, il a provoqué des vides dans nos rangs. Le désir d’être comme tout le monde nous fait trop souvent oublier qui nous sommes, ce que nous avons de spécifique et d’original à défendre, qui provient de ce que D..., nous ayant choisis, nous ne pouvons le trahir en voulant être comme les autres. Viennent alors des rappels à l’ordre, qui sont parfois tragiques, puisqu’ils creusent nos rangs par la vio­lence et les persécutions.

La Torah nous met sérieusement en garde contre la tentation de vouloir imiter d’autres idéologies qui peuvent conduire à la cruauté. Deul. XII, 30-31: « ne le laisse pas prendre au piège...; garde-loi de rechercher leurs dieux, en disant: comment ces nations servaient-elles leurs dieux ?

Ainsi ferai—je moi aussi... ces nations vont même jusqu’à brûler

au feu leurs fils et leurs filles pour leurs dieux ».

Nous connaissons le voeu cruel que fit Jephlé, pour que D... lui accorde la victoire sur les ennemis. Sa propre fille fut l’innocente victime de ce serment. Le Talmud le condamne sévèrement, car Jephté était marqué par une attitude généralement adoptée à son époque, qui devait le conduire à sacrifier sa propre fille. Vouloir vivre comme tout le monde, c’est donc un danger que ne cesse de dénoncer le Judaïsme, car il sait par expérience, que ce qui peut paraître anodin, finit par avoir des consequences incalculables. Qu’il s’agisse d’idolâtrie ou de licence morale, toute négligence est à proscrire, tant il est facile •de s’écarter de la Torah, qui se veut essentiellement voie de sainteté, et qui constitue la seule raison d’être d’Israèl.

 

Parachat ‘Houqat * Rav Yehouda Léon Askénazi Texte daté du 9 Tamouz 5754 - 18 juin 1994, communiqué par la Fondation Manitou Précédemment publiée par le Centre Yaïr-Manitou

Les enfants d’Israël, toute l’assemblée, arrivèrent au désert de Sin, et le peuple s’arrêta à Qadech. Myriam mourut là, et y fut ensevelie. Et il n’y avait pas d’eau pour l’assemblée… (Nombres XX, 1-2) À ce sujet, le Talmud enseigne 1 : « Et il n’y avait pas d’eau pour l’assemblée » — Rabbi Yossi fils de Rabbi Yéhouda a dit : « Un puits avait été donné à Israël par le mérite de Myriam. Lorsque Myriam mourut, le puits disparut. C’est ce qui est dit : « Et Myriam mourut, et il n’y avait plus d’eau… » Cet enseignement a été commenté de façon très originale par le Thora Temima sur ce verset 2. En fait, rappelle-t-il, le puits de Myriam est une des trois manifestations de la Providence qui ont accompagné la génération de la sortie d’Égypte dans la marche au désert. La manne était tombée par le mérite de Moïse, et les « nuages de la gloire » protégeaient le peuple de toute menace de la part des ennemis qui l’entouraient, par le mérite d’Aaron 3. Ces trois dons de la Providence eurent pour finalité de soustraire Israël aux nécessités de l’organisation de toute société : le problème économique (l’eau et le pain) et le problème de sécurité (les nuages de la gloire). En effet, il est frappant de remarquer le cas particulier de l’histoire d’Israël à la sortie d’Égypte. C’est la seule société qui a reçu sa constitution avant même que ne se développent les processus évolutifs qui mènent habituellement toute société à se doter d’institutions et de législation. C’est avant même que son histoire ne commence, que la nation d’Israël reçoit sa Loi. Il était donc normal que, pendant un temps « hors d’histoire », Israël puisse s’initier à la Loi qui lui est ainsi révélée à l’avance, avant même que ne commence son histoire à proprement parler. Ce temps de quarante ans entre le monde ancien de l’Égypte des Pharaons et l’histoire d’Israël sur sa terre fut donc un temps d’apprentissage, a priori de l’expérience. On ne connaît pas dans l’histoire un autre cas de cette espèce. Or nous dit cet enseignement du Talmud, cela ne fut possible que grâce au mérite des trois parnassim (dirigeants) du peuple, en ce temps-là, que furent Moïse, Aaron et Myriam. Ce fut, à des degrés divers, leur initiative — déjà en Égypte — qui permit l’existence même de la nation d’Israël. C’est pourquoi le Talmud, se fondant sur une exégèse précise des contextes où le récit biblique relie ces personnages à leur action, leur attribue le mérite particulier de cette existence exceptionnelle d’une société hors des contraintes de la subsistance, dans tous les sens de ce terme. Garants de « ce temps miraculeux », ils ne feront pas partie de l’aventure de l’entrée au pays de Canaan. Ils passeront le relais à la génération des chefs d’Israël dirigés par Josué. Le mérite d’Abraham. Or la Thora Temima cite à ce propos, un autre texte du Talmud, qui ramène ce mérite à Abraham 4 : On enseigne à l’école de Rabbi Ichmaël : En récompense de trois [charités d’Abraham], Israël a obtenu trois [dons de la Providence]. Cet enseignement se fonde sur la scène d’hospitalité où Abraham reçoit les trois « anges » qu’il prend pour des voyageurs en quête d’aide. Pour leur avoir offert de l’eau, du lait et du beurre, ainsi que l’ombre de l’arbre pour s’abriter, Abraham assure à sa descendance au désert le puits de Myriam, la manne de Moïse et le nuage d’Aaron. Le Maharcha enseigne que la possibilité même de l’existence de ces manifestations de la Providence était due au mérite d’Abraham, mais que leur réalisation en fait, et pendant tout le temps de la marche au désert, était due au trois parnassim : Moïse, Aaron et Myriam. La Thora Temima, quant à lui, dans une note brève très dense, précise que c’est grâce à Abraham que cette génération a vu naître en son sein les trois dirigeants ainsi désignés. La descendance d’Abraham.
C’est dire que si Moïse, Aaron et Myriam purent être pour cette génération de leur peuple les garants de l’intervention de la Providence, c’est parce qu’ils étaient réellement capables d’assurer la présence d’Abraham. On comprend dès lors pourquoi le récit biblique est si précis dans l’énumération des généalogies issues d’Abraham. Parmi toutes les lignées issues de Jacob, fils d’Isaac fils d’Abraham, c’est celle de Lévi, par Qéhat et ‘Amram, qui mène à Moïse, à son frère Aaron et à sa sœur Myriam. Ces textes du Talmud rendent ici hommage à la fidélité exceptionnelle de cet « homme de la maison de Lévi », ‘Amram, dont les enfants firent un peuple de la descendance de l’ancêtre, Abraham, et garantirent pour lui l’accomplissement des promesses aux patriarches. On remarquera que le nom d’Abraham fut d’abord Abram. Cela signifie le « père élevé », alors que celui de ‘Amram signifie le « peuple élevé ». Ces noms parlent par eux-mêmes et nous disent l’épopée d’une famille de la tribu de Lévi, qui fit de la descendance de celui qui fut nommé «père » un peuple, qui fut nommé le « peuple des fils d’Israël ». Notes : 1. Ta’anait 9a.
2. Nombres XX, 2.
3. Ta’anit 9a.
4. Baba Metsia 86b.


La fondation Manitou a mis en vente plusieurs séminaires audio du Rav Yéhouda Léon Askénazi (Manitou) Zatsal sur CD. Voici les plus récents :

En français:
1. L’être père et l’être fils - Dialogue et compréhension (2 CD)
2. Unité D'Israël (1 CD)
3. Yom Haatsmaout (2 CD)
En Hébreu:
1. Bifnei Mi Ata Omed: Introduction à la prière (5 CD)

En Israël 054-6433120
En France 01.30.24.12.63
Par email: itai@manitou.org.il

Il est possible d'écouter des cours en audio dans la section "études" du site http://www.manitou.org.il, http://www.manitou.org.il/hebrew
 
BAMIDBAR / Parachat ‘HOUQAT

par Rav Arié LEVY 'Chalita'
Auteur du livre de commentaires
« LE CHANT DE LA VIE »

Maguid Chiôur au Collel francophone
DARKEI AHARON

 

N°196


La loi de la para adouma (la vache rousse) fait partie des ‘houqim ou statuts, dont les buts et le sens ne sont pas nécessairement perçus par l’entendement humain, et dans lesquels sont classés également l’interdiction de porter un vêtement chaâtnèz (mélange textile de lin et de laine), de kilaïm (mélange des espèces végétales), de bassar vé’halav (mélange de viande et de lait). Néanmoins, les ‘houqim ne sont pas des lois sans raisons ; leur logique est divine et les plus grands hommes de notre peuple pouvaient comprendre certains d’entre eux. Ainsi, la rationalité des lois de la para adouma fut révélée à Moché. Lorsque le roi Salomon, qui parvint à expliquer toutes les autres mitsvot, chercha les raisons de cette loi, il dut reconnaître : « j’ai pensé me rendre maître de la sagesse ! mais elle (la compréhension de la mitsva de la para adouma) s’est tenue loin de moi » (Eccl. 7.23)

Rabbi Lévi interprète : « sur toute chose, l’Eternel avait révélé à Moché quels étaient les cas de pureté et d’impureté ; or, dans la section Emor, où il est question des Cohanim, qui deviennent impurs au contact d’un mort, D’ n’indiqua pas à Moché par quel moyen ils pouvaient se purifier ; ce n’est que parvenu à la section de la Vache Rousse que D’ lui révéla comment, rendu impur, on peut redevenir pur grâce aux cendres de la vache rousse (Midrach Rabba) »

 LE LIVRE DES COMMENTAIRES DE LA PARACHA DU RAV ARIE LEVY 'LE CHANT DE LA VIE' EST EN VENTE SUR LE SITE GUYSEN Cette catégorie de statuts est donc impénétrable pour l’esprit humain et fait partie des mitsvot irrationnelles de la Torah. Pourquoi la bête à sacrifier doit être de couleur rouge unie, ne présenter aucun défaut et n’avoir porté aucun joug ? Pourquoi le sacrificateur devient impur alors que ses cendres purifient de la plus forte impureté (contact avec un mort) ? La guémara (Traité Nidda 9a) enseigne : quand le sang maternel se métamorphose en lait qui devient source de vie, alors que le sang est interdit à la consommation, n’est-ce pas là l’œuvre de Celui qui fait naître le pur de l’impur ? Et le Midrach Rabba souligne : « Avraham n’est-il pas sorti de Téra’h, idolâtre particulièrement fanatique, et ‘Hizqiyahou, qui rétablit le culte de D’ dans toute sa pureté ne descend-il pas d’A’haz, un des rois les plus impies de l’histoire juive ? Et nos Sages concluent : « qu’y a-t-il donc d’étonnant, si celui qui s’occupe de la Vache Rousse est impur, alors que ceux qui sont aspergés de l’eau lustrale deviennent purs ? Seul le Créateur du monde peut connaître les effets des lois qu’Il a introduites pour le bon fonctionnement de Sa création !

Bien que la mitsva de para adouma soit impénétrable jusqu’au temps de Machia’h (où Hachem révèlera au peuple juif les raisons de toutes les mitsvot, celle-ci comprise), et que nous ne puissions comprendre, en particulier, le mystère de la purification d’une personne par ses cendres, tandis que l’homme pur qui accomplit la procédure en est souillé, la Torah nous en révèle certains aspects : « un jour, le petit garçon d’une servante salit en jouant le sol du palais. Où est la mère de cet enfant cria le roi, qu’elle vienne et qu’elle nettoie ce que son fils a sali ! » De même D’ dit : « que vienne la vache, et qu’elle expie l’impureté générée par le veau (d’or) » C’est pourquoi seule une femelle peut être acceptée comme para adouma, tandis que pour les autres sacrifices on peut offrir des mâles comme des femelles.

Le mot ‘hoq fait allusion à l’idée de barrière, selon le psaume de David 148/6 « ‘hoq natan vélo yaâvor » la limite de la Loi qu’il a donnée ne peut être « franchie ». Hachèm connaît les faiblesses humaines, dont la plus grande est celle de se prendre pour D’. Si l’homme avait la faculté de tout comprendre, il en arriverait à croire qu’il est lui-même le créateur, ainsi que l’histoire nous l’a appris : chaque fois qu’un empereur gagnait des guerres, il se prenait lui-même pour un D’, et ceci marquait le début de sa chute. En lisant ce chabbat la paracha zot ‘houqat haTorah, ceci est le statut de la Loi, il faut penser que cette mitsva de la Para Adouma (la Vache Rousse) vient expier la faute du veau d’or et nous enseigner d’une part la petitesse de l’être humain et la grandeur de D’, d’autre part le pouvoir donné à l’homme de modifier le statut d’un être humain en état d’impureté (qui ressemble à la mort) en un nouvel être (le faire renaître) à condition de respecter la limite qui lui est imposée afin de ne pas s’attribuer un pouvoir qui le dépasse.

« l’Eternel parla à Moché et à Aharon, à Hor-haHar, sur les confins du pays d’Edom, en disant : Aharon doit rejoindre ses pères » Que viennent nous apprendre les mots « sur les confins du pays d’Edom » ?

Nous pensons généralement que la durée de vie de l’homme est décrétée dès sa naissance. David a demandé à D’ (Téhilim 39.5) : « Fais-moi connaître, Eternel, ma fin, et quelle est la mesure de mes jours ». Or nous voyons dans notre paracha, qu’il ne peut pas en être ainsi ; à propos des mots du verset « sur les confins du pays d’Edom » Rachi commente : parce qu’ils tentèrent de s’assimiler aux édomites issus d’Essav (Esaü) l’impie, ils perdirent ce Tsadiq. De même que nous lisons dans Chroniques 2.chap.20 à propos de Josaphat : « Alors Eliêzer adressa une prophétie à Josaphat roi de Juda en ces termes : parce que tu t’es allié à Achazia (roi d’Israël, dont la conduite fut impie) le Seigneur ruine ton entreprise ».

L’intention qui se dégage des propos de Rachi suggère que s’ils ne s’étaient pas rapprochés d’Edom, Aharon aurait continué à vivre parmi eux, exprimant par là que les jours de l’homme ne sont pas décrétés d’avance mais dépendent de ses actions, et peuvent être rallongés ou raccourcis. En fait, nous rencontrons ici la sentence de nos Sages citée dans la guémara Chabbat, selon laquelle la mort d’un Tsadiq apporte l’expiation au Klal Israël. Et bien que les béné Israël n’avaient pas d’autre alternative que de traverser le territoire d’Edom pour atteindre la Terre d’Israël, ils eurent à payer par la mort d’Aharon leur tentative de s’allier aux descendants d’Essav.

A propos d’Ichmaêl, il est écrit (Vayéra 21.17) « Qu’as-tu Hagar ? sois sans crainte, car D’ a entendu la voix de l’enfant là où il est » Rachi rapporte la sentence talmudique (R.H.16a), selon laquelle l’homme est jugé selon ses actes présents et non selon sa conduite future ; aux anges qui plaidaient contre les descendants d’Ichmaêl qui condamneraient plus tard les fils d’Israël à mourir de soif, D’ répondit: « en ce moment qu’est-il, juste ou méchant ? Ils répondirent : Juste. C’est selon ses actes présents que Je le juge » C’est là le sens des mots là où il est. Nous voyons là que D’ n’invoqua pas que le moment n’était pas venu pour Ichmaêl de mourir, mais que sa vie était actuellement fonction de ses actions.

La Guémara Bérakhot rapporte qu’un serpent causait des frayeurs et des dégâts à un certain endroit. On vint le faire savoir à Rabbi ‘Hanina ben Dossa qui demanda qu’on l’y conduise. Il donna un coup de talon sur le trou, le serpent sortit, le mordit, et mourut. Rabbi ‘Hanina ben Dossa le porta sur son épaule jusqu’au Beit haMidrach et dit à ses disciples : vous voyez, ainsi qu’il est écrit, ce n’est pas le serpent qui tue, mais la faute. Ses disciples s’écrièrent : malheur à celui qu’attaque un serpent, et malheur au serpent qui est attaqué par (les mérites du Tsadiq) Rabbi ‘Hanina ben Dossa !

Nous sommes témoins tous les jours de cas où la téfila des Tsadiqim et le mérite dû aux bonnes actions annulent les mauvais décrets et éloignent la mort ; quelle valeur nos supplications journalières et notre foi en la justice divine auraient-elles si nous n’étions pas convaincus que « la tsédaqa sauve de la mort » (Michlé 10.2) et que la prière, le retour vers D’ et la tsédaqa peuvent faire pencher la balance du bon côté ?

Mais lorsque sonne l’heure où l’âme doit rejoindre sa source, aucune supplique ne peut changer le décret divin. Le Midrach sur la paracha véZot haBérakha, relate la lutte de Moché avec l’ange de la mort. Rabbi Méïr dit : la première fois, Moché argumenta qu’il voulait continuer à servir D’ ; la seconde fois, il prononça le Nom Ineffable, ce qui fit fuir l’ange ; la troisième fois, il comprit que le décret divin était irrévocable, et il accepta de se soumettre à la sentence divine.