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Des pieds-noirs juifs à Tlemcen sous le regard bienveillant des habitants

 

TLEMCEN (Algérie), 24 mai 2005 (AFP) -
http://www.la-croix.com/afp.static/pages/050524092512.6d7cjgse.htm

Quelque 130 pieds-noirs juifs arrivés dimanche soir à Tlemcen, à 540 km à l'ouest d'Alger, ont redécouvert lundi leur ville natale, gourmands de souvenirs et ravis de la bienveillance des habitants qui a même incité certains à fausser compagnie à des autorités sur le qui-vive.

Alors qu'ils viennent juste de visiter le collège de leur enfance, des voyageurs, gentiment indisciplinés, s'échappent vers une rue en contre-bas pour voir "leur" école primaire Dufau.

L'arrivée de la gardienne, un fichu sur la tête, est une bénédiction. Pierre Martiano court dans tous les sens: "là c'était la classe de CP, s'enthousiasme-t-il, entouré de ses camarades de l'époque tout aussi euphoriques. "Là le CM1!", crie un autre.

C'est surtout dans ces lieux de jeunesse que l'émotion jaillit. Roland Kemoun, 72 ans, est un peu sonné. "Tout me paraît tellement plus petit", s'étonne-t-il devant le tableau noir immuable.

Il n'est jamais revenu là depuis l'indépendance de l'Algérie en 1962, comme l'immense majorité des participants à ce voyage sans précédent organisé, dans un contexte de rapprochement judéo-musulman, par La Fraternelle - une association française qui regroupe quelque 1.300 juifs nés à Tlemcen.

Katie Charbit, sa maman de 86 ans au bras, entre dans la cour du lycée de jeunes filles qu'elle fréquentait. "Rien n'a changé, c'est là que j'ai été collée, parce que j'avais fumé", avoue-t-elle espiègle sous les yeux amusés de Lakehale, Abbes et Hedeili, les étudiantes d'aujourd'hui.

La principale du collège, la tête couverte d'un hidjab, est ravie "de voir d'anciens élèves". "Peu importe leur religion!". Partout, les portes sont grandes ouvertes aux visiteurs. A la mosquée "Sidi Boumedine" par exemple dans un quartier où on leur interdisait d'aller quand ils étaient gamins.

C'est pourtant là qu'aujourd'hui une femme entièrement drapée dans un haïk blanc, adresse un "soyez les bienvenus" spontané à Georgette Bettan.

"On ne s'attendait pas à un tel accueil!", commente cette sexagénaire en tenue estivale.

"Réconciliation"

Dès leur arrivée dimanche, sur la route bordée d'oliviers entre l'aéroport et l'hôtel, les pélerins ont été "surpris" par les saluts amicaux des badauds parsemés de très rares gestes d'hostilité.

Les voyages de rapatriés se multiplient depuis deux ans en Algérie mais jamais depuis l'indépendance un groupe de pieds-noirs juifs aussi important n'avait traversé la Méditerrannée. La presse locale s'en est fait l'écho.

Kaddour Houbad, conseiller à l'Assemblée populaire communale et qui sert aussi de guide aux visiteurs, ne s'étonne pas de cette hospitalité.

"A Tlemcen, il n'y a jamais eu de lutte entre juifs et musulmans, même pendant la Révolution (guerre d'indépendance), explique-t-il. C'est une entente historique!".

M. Houbad ne cache pas que le bon déroulement de ce voyage peut aussi encourager "le tourisme" dans sa ville, qui regorge, il est vrai, de trésors inconnus telles que les ruines de Mansourah, une demeure royale du XIIè siècle.

Qu'importe l'argument commercial, Joëlle Wilmuth, partie comme beaucoup précipitamment en 1962, veut voir dans cette chaleur le signe d'une "réconciliation". "On nous donne l'autorisation de nous sentir comme chez nous. C'est notre deuxième culture", se réjouit cette femme pétillante débarrassée de toute rancoeur.

Mardi après-midi, les voyageurs devaient rencontrer les familles vivant dans leurs anciens domiciles. Certains, trop impatients, ont déjà fait le chemin sans prévenir les organisateurs. Ils ont été accueillis à bras ouverts.



TLEMCEN (Algérie), 25 mai 2005 (AFP) - Le patrimoine juif de Tlemcen transformé mais préservé
http://www.la-croix.com/afp.static/pages/050525095544.fshq9ew8.htm

Les 130 pieds-noirs juifs actuellement en pélerinage à Tlemcen (ouest de l'Algérie), un voyage inédit par son ampleur depuis l'indépendance du pays, ont pu visiter mardi une partie du patrimoine israélite de la ville, trois anciennes synagogues transformées mais préservées.

La synagogue du Rabb (rabbin), qui se trouvait à l'époque dans la rue éponyme, est devenu une salle d'arts martiaux. Mais il reste encore quelques vestiges de sa précédente fonction. Plusieurs étoiles de David sont toujours visibles, dont une grande à l'arrière de l'édifice. D'imposants fauteuils en bois, avec un rangement dévolu aux livres de prières, sont utilisés dans une salle de réunion à l'étage.

Dans une rue perpendiculaire, un autre lieu de culte sert aujourd'hui de bibliothèque. Si la structure principale de l'édifice est inchangée, les pointes des triangles de l'étoile juive ont été rabotés. Idem sur les portails de la troisième synagogue transformée en centre culturel.

Un quartier de la ville, non loin de la mosquée, porte toujours le nom de "derb el lihoud", la rue des juifs.

Une dizaine de rabbins était en exercice jusqu'en 1962 pour une communauté estimée "à un tiers de la population" (environ 10.000 personnes), dans l'ensemble pratiquante, selon Abdelaziz Hamza-Chérif, conseiller municipal chargé de la culture.

Outre les lieux de culte, Tlemcen est aussi connu des juifs de Tlemcen et bien au delà par la présence du tombeau du rabbin Ephraïm Enkaoua du XIVè siècle, considéré comme l'un des religieux thaumaturges les plus prestigieux du judaïsme algérien.

Selon la tradition juive, le rabbin Enkaoua, venu d'Espagne pour fuir la Reconquista espagnole, avait guéri la fille d'un Sultan, obtenant en retour le droit pour sa communauté de s'installer dans le centre de la ville et d'y construire une synagogue. C'est de cette époque reculée que date l'implantation de juifs à Tlemcen même.

Les visiteurs iront s'y recueillir jeudi après-midi, redonnant vie à une coutume ancestrale, celle de la "Hiloula", un pélerinage collectif à l'occasion de "Lag Baomer", seul jour de fête au milieu d'une période de deuil dans le culte israélite.

Le tombeau a été restauré "à l'initiative" du président de la République, Abdelaziz Bouteflika -dont la famille était originaire de la région-, a indiqué La Fraternelle, l'association de juifs de Tlemcen organisatrice du voyage.

Non loin de ce lieu de dévotion se trouve un cimetière juif pas entretenu mais qui n'a jamais été dégradé. Les pèlerins tenteront d'y retrouver les tombes de leurs aïeuls.



TLEMCEN (Algérie), 25 mai 2005 (AFP) - En famille, des juifs d'Algérie retrouvent leur enfance à Tlemcen
http://www.la-croix.com/afp.static/pages/050525095440.lieetiue.htm

"C'est là que j'ai vécu, mon père est décédé dans cette maison": Marinette Benayoun, 76 ans, fond en larmes arrivée en haut de l'escalier d'un immeuble de deux étages à Tlemcen (ouest de l'Algérie) où elle a grandi et où elle revient pour la première fois depuis

A ses côtés, se trouve son neveu Pierre Martiano, ingénieur retraité de France Télécoms. C'est lui qui lui a offert ce pèlerinage, trouvant en elle "un guide" dans le dédale des souvenirs d'enfance.

Tous deux font partie d'un groupe de 130 pieds-noirs juifs natifs de Tlemcen, membres de l'association La Fraternelle qui organise le voyage, et dont l'immense majorité n'est jamais revenue depuis leur départ souvent précipité.

Sur la terrasse, la locataire actuelle interrompt sa lessive, bouleversée à son tour par les sanglots de Mme Benayoun. "Entrez", lui propose-t-elle en arabe. "Que de fois Madame, nous avons pris le thé ici", lui raconte la septuagénaire en désignant le salon. La disposition des pièces n'a pas changé, la céramique au sol non plus. Seul le patio, recouvert d'une véranda, n'est plus visible aujourd'hui.

"J'ai tellement de souvenirs. Tu te rappelles mon fils, tu jouais aux billes ici", indique-t-elle à "Pierrot" qui tente de cacher des yeux embués. Le récit se fait plus précis au fil des minutes, heureux "quand des amis musulmans offraient de beaux fruits après la Pâque juive", plus dramatique quand il s'agit du "décès d'un frère de 27 ans".

"Jamais je ne pensais revenir. Merci, merci madame", répète Mme Benayoun, coiffeuse du temps où elle habitait dans cette rue Lamoricière rebaptisée "Derb sidi hamed". Là se mélangeaient juifs et arabes. "Nous vivions en parfaite harmonie", insiste-t-elle.

"Juifs ou pas juifs, chez nous on invite les gens. Si tu reviens, tu es la bienvenue", la salue son hôtesse d'un jour.

L'accueil est identique dans l'ancienne maison du neveu, "faubourg Sienne" à l'époque, une rue située à l'écart du centre-ville. "Vous êtes chez vous ici", lui lance en français Abdelkader Khoris, propriétaire des lieux.

Là aussi, à écouter M. Martiano, le temps semble s'être arrêté. "Le citronnier est toujours le même!", se remémore-t-il. Il immortalise avec son appareil-photo son ancienne chambre, "qui servait aussi de salle à manger", et celle de ses parents, sans oublier la minuscule cuisine.

Il se souvient aussi de "Mahmoud, Hadj et Mohamed", ses copains du même palier. Sur la terrasse, il retrouve les odeurs "des poivrons et des tomates" que sa mère faisait sécher. Il aurait aimé l'emmener mais ses 90 ans l'en ont empêché. "Je lui raconterai, se réjouit-il à l'avance, ainsi qu'à mon frère et mes deux soeurs".

Son rêve est de revenir avec son fils de 11 ans, le même âge que lui quand il est arrivé "en métropole". "J'appréhendais un peu ce voyage. Je vais quitter cette terre avec l'impression d'avoir comblé un manque et une autre notion de la tolérance", avoue-t-il, visiblement apaisé.

Pierre Martiano repartira vendredi avec une autre image forte en tête : celle d'un homme érudit de 75 ans.

"Monsieur Malti" était son instituteur en Cours préparatoire (CP). Ils se sont étreints chaleureusement lundi soir, 55 ans après la dernière sortie de classe. "Maudits sont ceux qui nous ont séparés", a murmuré le vieil homme

 

mercredi 25 mai 2005, 13h14
 

D'anciens juifs français d'Algérie retrouvent leur enfance à Tlemcen

 

Photo

TLEMCEN (AFP) - "C'est là que j'ai vécu, mon père est décédé dans cette maison": Marinette Benayoun, 76 ans, fond en larmes arrivée en haut de l'escalier d'un immeuble de deux étages à Tlemcen (ouest de l'Algérie) où elle a grandi et où elle revient pour la première fois depuis 1962.

 

A ses côtés, se trouve son neveu Pierre Martiano, ingénieur retraité de France Télécoms. C'est lui qui lui a offert ce pèlerinage, trouvant en elle "un guide" dans le dédale des souvenirs d'enfance.

 

Tous deux font partie d'un groupe de 130 pieds-noirs juifs natifs de Tlemcen, membres de l'association La Fraternelle qui organise le voyage, et dont l'immense majorité n'est jamais revenue depuis leur départ souvent précipité.

 

Sur la terrasse, la locataire actuelle interrompt sa lessive, bouleversée à son tour par les sanglots de Mme Benayoun. "Entrez", lui propose-t-elle en arabe. "Que de fois Madame, nous avons pris le thé ici", lui raconte la septuagénaire en désignant le salon. La disposition des pièces n'a pas changé, la céramique au sol non plus. Seul le patio, recouvert d'une véranda, n'est plus visible aujourd'hui.

 

"J'ai tellement de souvenirs. Tu te rappelles mon fils, tu jouais aux billes ici", indique-t-elle à "Pierrot" qui tente de cacher des yeux embués. Le récit se fait plus précis au fil des minutes, heureux "quand des amis musulmans offraient de beaux fruits après la Pâque juive", plus dramatique quand il s'agit du "décès d'un frère de 27 ans".

 

"Jamais je ne pensais revenir. Merci, merci madame", répète Mme Benayoun, coiffeuse du temps où elle habitait dans cette rue Lamoricière rebaptisée "Derb sidi hamed". Là se mélangeaient juifs et arabes. "Nous vivions en parfaite harmonie", insiste-t-elle.

 

"Juifs ou pas juifs, chez nous on invite les gens. Si tu reviens, tu es la bienvenue", la salue son hôtesse d'un jour.

 

L'accueil est identique dans l'ancienne maison du neveu, "faubourg Sienne" à l'époque, une rue située à l'écart du centre-ville. "Vous êtes chez vous ici", lui lance en français Abdelkader Khoris, propriétaire des lieux.

 

Là aussi, à écouter M. Martiano, le temps semble s'être arrêté. "Le citronnier est toujours le même!", se remémore-t-il. Il immortalise avec son appareil-photo son ancienne chambre, "qui servait aussi de salle à manger", et celle de ses parents, sans oublier la minuscule cuisine.

 

Il se souvient aussi de "Mahmoud, Hadj et Mohamed", ses copains du même palier. Sur la terrasse, il retrouve les odeurs "des poivrons et des tomates" que sa mère faisait sécher. Il aurait aimé l'emmener mais ses 90 ans l'en ont empêché. "Je lui raconterai, se réjouit-il à l'avance, ainsi qu'à mon frère et mes deux soeurs".

 

Son rêve est de revenir avec son fils de 11 ans, le même âge que lui quand il est arrivé "en métropole". "J'appréhendais un peu ce voyage. Je vais quitter cette terre avec l'impression d'avoir comblé un manque et une autre notion de la tolérance", avoue-t-il, visiblement apaisé.

 

Pierre Martiano repartira vendredi avec une autre image forte en tête : celle d'un homme érudit de 75 ans.

 

"Monsieur Malti" était son instituteur en Cours préparatoire (CP). Ils se sont étreints chaleureusement lundi soir, 55 ans après la dernière sortie de classe. "Maudits sont ceux qui nous ont séparés", a murmuré le vieil homme.

 

Evenement Tlemcen tarik a écrit : "



 

LA DELEGATION DES PIEDS-NOIRS A QUITTE, HIER, TLEMCEN

Une «hiloula» en terre zianide

 

Depuis plus de 30 ans et pour la première fois, une délégation de juifs français et marocains, qui se trouve à Tlemcen depuis une semaine a effectué, ce jeudi, le pèlerinage pour rendre hommage à Ephraïm Aln’kaoua, Lumière d’Israël, «le faiseur de miracles» et que les Tlemceniens connaissent sous le nom du Grand Rab. Le pèlerinage sacré commencera par l’arrivée de petits groupes au cimetière juif. Une cérémonie officielle en présence du maire de Tlemcen, M. Brixi, de l’ambassadeur de France en Algérie, M. Hubert Colin de la Verdière et du président de la Fraternelle «Amis juifs de Tlemcen» M. André Charbitt, fils du dernier rabbin de Tlemcen, a été organisée à la mémoire des coreligionnaires morts pour la France en 14-18, en 39-45 et à la mémoire des 100 juifs natifs de Tlemcen, déportés vers les camps de concentration nazis et qui ne sont jamais revenus. A cette occasion, dira M. Charbitt, une plaque portant leurs noms a été inaugurée par le Président Chirac au Mémorial de Paris. Le responsable de la délégation trouvera que le cimetière est très bien entretenu et qu’une attention lui a été portée pour recevoir les 130 juifs venus se recueillir sur les tombes des leurs après 43 ans d’absence pour la plupart au milieu de regards qui se reconnaissent, des retrouvailles sur la terre des ancêtres pour la plupart. La procession se dirigera par la suite, à pied, jusqu’au tombeau du Rab Ephraïm Aln’Kaoua, situé à une centaine de mètres du cimetière juif. Ephraïm Aln’Kaoua, abreuvé d’exégète biblique et d’une solide formation médicale, avait fui les persécutions d’Espagne, le 20 juin 1391 pour trouver refuge en Afrique du Nord, d’abord à Marrakech qu’il quitta deux années après, puis à Honaïne, pour s’installer définitivement à Tlemcen, à une époque où les juifs étaient interdits de séjour. Le Rab trouva alors refuge à Agadir (Tlemcen) au milieu d’une communauté de juifs qui vivaient là, depuis plus de 400 ans. C’est après avoir réussi à guérir la fille du roi Abou Tachefine II que sa réputation de médecin «faiseur de miracles» ne connut plus de bornes. Il sera alors autorisé à construire une synagogue non loin du Méchouar. Il mourut en 1442, un mardi, le 1er kesliw, après avoir été le fondateur de la communauté israélite de Tlemcen. Il était en son temps la «Lumière d’Israël».