livre de l'exode | paracha : VAYAKHEL - PEKOUDE |
RÉSUMÉ. — Une fois de plus la sainteté du Sabbat est rappelée au peuple avec la précision particulière de la défense d’allumer du feu dans les maisons juives et d’observer un repos absolu pendant toute la durée de la journée sabbatique. Israel est invoqué pour parliciper à la réalisation du grand pro/et, l’édification du sanctuaire. Des volontaires et des spécialistes, artisans et ouvriers, se présentent pour apporter leur concours à l’oeuvre ~sacrée. Deux responsables, Belzalel et Oholiab, doivent coordonner les efforts du peuple. D. leur inspire l’intelligence et la sagesse indispensables pour mener à bien leur tâche. Aussitôt intervient le récit de l’édification, qui reprend tous les détails déjà énoncés dans les textes précédents et s’achève sur des comptes méticuleux donnant le total de l’or, de l’argent, de l’airain et des matériaux divers employés pour les travaux. Le tabernacle dressé, tout est présenté à Moïse qui, après un rapide examen, constate que l’ouvrage, achevé, est entièrement conforme aux ordres de D. il bénit le peuple. Le premier jour du premier mois, la lente sacrée est inaugurée. Les fils d’Aaron sont immédiatement appelés à leur service et la gloire de D., une nuée épaisse, couvre la tente d’assignation. Dorénavant, le tabernacle accompagnera tous les deplacements du peuple durant la longue période de ses pérégrinations et D. devient ainsi le véritable conducteur de ce peuple qui lui est consacré à jamais. Le deuxième livre de Moïse s’achève sur l’image de paix et de calme d’Israél organisé et groupé autour du centre spirituel de sa vie sociale. |
La
paracha
VAYA-QHÈL
contient 1 commandements
. Interdiction de prononcer une sentence capitale le Chabbat.
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COMMENTAIRE
LES TRAVAUX DU SABBAT. — Ce n’est pas sans une intention marquée que la Thora relève, parmi tous les travaux interdits, l’allumage du feu. Il est clair qu’il ne peut s’agir que d’un exemple présentant toutes les caractéristiques communes à l’ensemble des trente-neuf travaux spécifiés par la tradition orale. Ces caractéristiques doivent être retenues, pour permettre non seulement de pénétrer le sens de cette interdiction, mais aussi pour comprendre la raison pour laquelle certains travaux qui pourraient normalement y être inclus, en définitive, ne le sont pas.
L’allumage du feu est une oeuvre humaine créatrice qui sert à un but utile, recherché par celui qui fait l’action. Quelque chose de neuf, inexistant auparavant, résulte du geste humain. Par contre, l’effort physique qui n’entraîne que la fatigue pure et simple (déplacer un sac de farine de la cave au grenier), ne constitue pas, à proprement parler, une oeuvre créatrice et ne peut donc pas être rangé dans la même catégorie que l’allumage du feu. De même l’effort créateur qui n’amène finalement que la destruction (allumer le feu pour détruire quelque chose qui embarrasse) ne figure pas non plus sur la liste des travaux défendus. L’hommage que le Juif croyant rend au créateur de l’univers en lui remettant, durant vingt-quatre heures, sa propre capacité humaine de création sensée et efficace, est exprimée par l’interdiction de ces mêmes trente-neuf travaux dont chacun est une oeuvre nouvelle parfaite, inspirée par une volonté positive. D’après la tradition, la construction du Temple était l’image parfaite d’une oeuvre de cette espèce, et c’est pourquoi le Sabbat se trouve mentionné à plusieurs reprises tout au long du récit.
LES OFFRANDES. — Il est curieux de voir que l’offrande des princes du peuple (XXXV, 27) ne figure qu’après les offrandes apportées par le peuple. On se serait attendu à ce qu’elle soit mentionnée au début ; les vrais chefs encouragent et entrainent la grande masse. Néanmoins, c’est intentionnellement, comme nous le dit le Midrash, que leur apport se trouve mentionné à la fin. Les chefs ne croyaient pas que l’effort du peuple suffirait à couvrir aussi bien les dépenses nécessaires qu’à constituer le stock de matériel en nature. Ils s’étaient réservés le beau rôle de ceux auxquels on doit faire appel quand d’autres ne suffisent pas à la tâche. Mais leur vanité fut déçue. Car l’enthousiasme d’Israël permit à Moïse, non seulement de disposer largement de tout ce qu’il lui fallait pour commencer l’oeuvre, mais il fallut même publier une demande pressante de cesser l’apport des dons, car «ils étaient trop» (il y a lieu dans certaines circonstances de rappeler ces exemples). C’est pourquoi le texte les places tout à la fin de la glorieuse liste des volontaires, sans égard pour la dignité et l’honneur dus à leur rang.
LA CONSTRUCTION. — La Thora est toujours parcimonieuse dans ses paroles et présente souvent des lacunes (comblées par la tradition orale). Cependant, à l’occasion de la construction du sanctuaire, le texte répète avec insistance tous les détails de la réalisation, déjà énumérés lors de l’énoncé du projet. C’est certainement pour illustrer la parfait~ fidélité et la scrupuleuse discipline auxquelles le peuple se soumet pendant l’exécution des ordres reçus. La tentation était certainement très grande de donner libre cours aux initiatives artistiques. Mais une fois de plus, le peuple sait que, dans toutes les circonstances, il aura à se conformer avant tout et entièrement aux indications que D. lui donne. C’est à cette qualité du peuple que le texte rend hommage. Et c’est en ajoutant les comptes détaillés de la grande collecte faite, que la Thora nous relate la leçon de la scrupuleuse honnêteté dont le peuple et ses chefs ont fait preuve quand il s’est agi de réunir et de disposer de la fortune appartenant à la nation. Le Talmud l’a bien compris dans ce sens lorsqu’il ajoute en commentaire à notre Sidra : « Dure et importante est la tâche des administrateurs des biens du peuple. Mais grande est la récompense quand ils accomplissent la tâche avec la même et parfaite loyauté qu’ont montrée tous ceux qui étaient chargés de la plus grande réalisation sacrée à laquelle jamais homme fût appelé ».
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VAYAQHEL
LE CHABBAT UNE ÉTERNELLE SYMPHONIE
Joèl JONAS
LE CHABBAT: FIL ROUGE DU JUDAISME
C’est peut-être, dans la Sidra Vavaqhel que l’observance du Chabbat, fil rouge qui traverse le Judaïsme, trouve son expression la plus achevée. Chabbat chabbatone - le Chabbat complet - le chabbat accompli, le chabbat plein, s’impose à la communauté des enfants d’Israèl comme une lumineuse évidence. C’est Moïse le prophète qui mène le peuple juif des rives du Nil aux rives du Jourdain, avec comme point d’orgue sa montée au Sinaï qui communique à la communauté, aux trois millions de personnes assemblées dans le désert, sous une forme épurée de toute angoisse “Voici les choses que / ‘Eternel a ordonné d ‘observer Pendant six jours on travaillera et le septième jour — pour vous de sainteté — le chabbat chabbatone”. Dans l’Exode, au chapitre 35 de ces trois premiers versets d’une de ces 54 sections de la Torah, lues chaque samedi, depuis l’époque d’Ezra qui a codifié cette lecture apparaissent comme un thème d’une symphonie qui éclate d’écho en écho, de page en page.
LE CHABBAT consolidation DU LIEN DE DIEU AVEC LA CRÉATION
Doit-on observer le chabbat comme un prélude ou comme une répétition de l’ère messianique? Chacun demeurera sous sa vigne et sous son figuier” (1 Rois 5. 5) ainsi qu’en rêve le prophète Michée ‘~lorsqu ‘il arrivera a la fin des Temps, que la montagne de la maison de I ‘Eternel sera affermie sur la cime des montagne,
(chapitre 4 verset 1). Tout aussi bien, on peut observer le chabbat pour affermir le lien établi par Dieu avec Sa création tel qu’il peut être compris à la lecture du premier texte fondateur du chabbat, ainsi qu’il surgit à peine le récit de la Création achevé au deuxième chapitre de la Genèse (versets i à 4) avant même l’évocation du Gan Eden, du paradis “ainsi furent terminés les cieux et la terre avec tous ceux qu ‘ils renferment, Dieu mit fin le septième jour à l‘oeuvre fàçonnée par lui, et il se reposa le septième jour...” Il est clair que la liturgie juive en intégrant ce texte dans le qidouch, bénédiction formulée après l’arrivée du chabbat, dans cette période incertaine du vendredi soir, avant le crépuscule, lorsque le jour semble épouser la nuit. A l’image du juif, qui a accueilli ce jour sacré, “comme une fiancée” selon les termes de Salomon Alkabetz Halevi, 1540, reflétés par Isaac Louria le Maître de la Cabale, et qui donne une dimension cosmologique au chabbat des hommes.
LE CHABBAT : présence DE L’ÉTERNITÉ DANS LE TEMPS
Le chabbat, c’est la pierre angulaire du judaïsme. Ainsi l’ont vécu les Sages du Talmud. L’un des plus éminents d’entre eux, Rabbi Yo’hanan reprenant un enseignement de Rabbi Chiméon Bar Yo’haï, s’exclame Ah ! Si les Juifs observaient deux chabhat de façon parfaite ils seraient sauvés (Traité Chabbat il 8b). Observer le chabbat c’est consacrer, ce septième jour, à l’étude et à la joie, au repos et à la ferveur. Encore faut-il lier à la fois les prescriptions de la Halakha édictées tout au long des siècles par les Sages, codifiées dans le Choul ‘han Arouh, associées aux enseignements de la Bible, Torah et prophètes, qui n’ont cessé d’exhorter les juifs au repos du septième jour. “A ceux privés d’enfants, qui observent le chabbat..., au fils de l’étranger qui s’attache a Dieu... J’accorderai dans mes murs un monument, un titre qui vaudra mieux que des ls et des tilles... Je leur accorderai un nom éternel qui ne périra point”, ainsi promet Dieu par la bouche du prophète Isaïe (56-4,6,7). Deux chapitres plus loin (58,15), le prophète est encore plus explicite “Si tu cesses de fouler le chabbat aux pieds, de vaquer à tes affaires le jour qui m ‘est consacré, si tu considères le chabbat comme un délice etc...” Observér le chabbat c’est communier avec l’esprit du prophète, c’est aussi ne pas s’écarter du chemin tracé par les codificateurs, dont Maïmonide, dans son “Michné Torah”, fut l’un des guides les plus sûrs “tu sais dejâ que les idées ne se conservent pas si elles ne sont pas accompagnées d ‘actions qui peuvent être fixées, publiées et perpétuées par le peuple”. Emile Touati (XXe siècle) actualise ainsi toute la destinée du chabbat telle qu’il la concevait en ce siècle «présence de 1 ‘éternité dans le temps, halte dans 1 ‘histoire, trêve dans 1 ‘affrontement économique, rupture dans la dialectique du maître et de l’esclave, c ‘est le jour privilégié où 1 ‘homme a régulièrement rendez-vous avec lui-même dans son essentielle réalité, sans les alibis du “divertissement” ». Signe entre Dieu et les enfants d’Israèl, dans toutes leurs générations, le chabbat garde lsraèl autant qu’lsraèl garde le chabbat. Maïmonide a en outre clairement fixé les mesures de l’observance. Dès qu’une vie humaine est en péril le devoir de la sauver prime sur celui d’observer les lois de chabbat. Un malade en danger, une femme sur le point d’accoucher... Enfin la tradition hassidique consistant à accueillir le chahbat en plein air prend désormais une dimension extatique. Chacun à sa mesure ainsi que Moïse dans la “Sidra Vavaqhel” le prescrit, donnera à l’observance du chabbat la ferveur qui lui sied.
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PEQOUDE
LA PRÉSENCE DE DIEU AU SEIN D’ ISRAEL
Claude BRAHAMI
LE TABERNACLE ET LE VEAU D ~OR
Pour la cinquième fois consécutive, la Torah nous décrit dans les détails les éléments composant le tabernacle du désert. Si d’excellentes explications ont été proposées pour justifier ces répétitions, nous retiendrons la conclusion de Nahmanide elles sont l’expression de l’amour que l’Eternel voue â son peuple et de l’importance extrême qu’il accorde à sa présence en son sein.
Après le veau d’or qui frit, on le sait, la cause directe de l’édification du Tabernacle, la présence divine visible est devenue signe d’aniTour après avoir été expiée, mais le rôle essentiel du Tabernacle sera de rétablir la paix entre Dieu et Israèl quand ce dernier se sera égaré.
IMMANENCE ET PROVIDENCE
Cette miséricorde constitue l’aspect immanent de Dieu dans le monde, c’est-â-dire sa présence réelle, signifiant qu’il n’est pas indifférent au destin de ses créatures et à leurs souffrances. Dieu immanent est le premier pasteur de l’homme ; le Tabernacle est donc Providence. Cette idée de Providence ne doit cependant pas occulter l’aspect transcendant de Dieu, c’est-à-dire son caractère absolument inaccessible, infiniment distant du monde et des créatures. Imaginer un seul instant qu’on puisse lui parler, l’entendre dire où il est, ce qu’il fait ou ce qu’il pense serait, selon certains, proprement un sacrilège. Les prophètes de la Torah, Moïse à leur tête, les cabalistes et les philosophes le savent. Citons par exemple Ezéchiel (3,12):baroukh kevod hachem mimé qomo = bénie soit la gloire de l’Eternel là où elle se trouve. Or, c’est à la fin de notre paracha que cette transcendance nous est rappelée : “Au premier mois de la deuxième année, le premier du mois, le Tabernacle fut dressé” (Ex. 40,17). Le passif “fut dressé” sous-entend que ce n’est pas Moïse mais Dieu lui-même qui en assembla les éléments et l’érigea à la manière dont il insuffla l’âme dans le corps du premier homme.
Plus loin, le texte ajoute que Moïse ne put pénétrer dans la tente du rendez-vous (Ohel Mo ‘ed) “quand la gloire de l’Eternel remplit le tabernacle” (40,35) : celui-ci devenait en effet une zone d’extraterritorialité échappant à toute notion d’espace et de temps. Il faut comprendre que Dieu n’est plus sur terre quand il est dans le Tabernacle.
Quand la colonne de nuée signalant la présence divine quittaiTle Tabernacle, Moïse pouvait alors y pénétrer et entendre la voix de Dieu émanant d’entre les chérubins. Sa voix seule et non lui. Plus l’homme en prend conscience et plus il se rapproche de la réalité divine.
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